Citations

«Il faut toujours faire confiance aux scénaristes qui lisent.» Alessandro Baricco. Une certaine vision du monde.

mercredi 23 janvier 2019

La Tapisserie de Bayeux dans un dépanneur d’Aylmer



 Je m’arrête un soir dans un dépanneur pour acheter deux ou trois trucs pour le déjeuner du lendemain matin. La caissière, dans la cinquantaine, scanne mes articles et se fige après avoir passé le dernier item dans la machine.
Silence.
J’attends.
Elle ne bouge pas et son regard fixe la caisse enregistreuse.
-Excusez-moi dit-elle après un quinze-vingt secondes où le temps semble s’être arrêté. C’est le prix qui m’a propulsé dans mes pensées.
-Pardon ?
-Oui, ça coûte 10 dollars et 66 cennes.
Silence.
Je tourne et retourne ma carte bancaire entre mes doigts sans trop comprendre où elle veut en venir. C’est la fin de l’automne. Il fait noir. Le dépanneur est désert et je trouve la caissière quelque peu bizarre.
-1066 !
-Oui, je vois. Je peux payer ?
-C’est parce que vos achats, ça coûte pareil que la date de la bataille de Hastings. Vous savez, La victoire de Guillaume le Conquérant. En 1066.
-Ah euh oui, je connais, mais…
-C’est ce qui est raconté sur la Tapisserie de Bayeux qu’a faite la Reine Mathilde. Vous connaissez la Tapisserie de Bayeux ?
- (…)
- On dit que c’est l’ancêtre de la bande dessinée.
-(…)
-(…)
-(…)
- Alors, nous disons 10 dollars et 66. Interac ?

Je suis sorti avec mes achats. Je n’ai pas réussi à dire un seul mot. Sinon, merci et bonne fin de soirée. Je me sentais étourdi. Je ne lui ai pas dit que j’enseignais l’histoire de la bande dessinée à l’université.

C’était la première fois qu’une caissière dans un dépanneur me parlait de Guillaume le Conquérant. Je me demande encore aujourd’hui quel a été son parcours de vie.