Citations

«Il faut toujours faire confiance aux scénaristes qui lisent.» Alessandro Baricco. Une certaine vision du monde.

vendredi 21 août 2020

Une bande dessinée écrite par la mairesse de Montréal

Valérie Plante va publier une bande dessinée.

Sophie Durocher n'est pas contente.

La mairesse de Montréal a d'autres choses à faire que de perdre son temps à faire de la bande dessinée selon cette dernière.

Je me demande si la réaction aurait été la même si Valérie Plante avait écrit un roman. Ou un essai politique. 

La mairesse de Montréal n'a pas le droit d'avoir d'activités en quittant son bureau le soir, semble-t-il.

La preuve ? Sophie Durocher interview un restaurateur montréalais qui lui dit : «Moi, je n'ai pas eu le temps de faire une bande dessinée, il fallait que je survive à ses agressions.»

Cela devrait clore le débat ;-)

Sinon, Sophie Durocher se demande quel sera le modèle de bande dessinée de Valérie Plante : sera-t-elle Gaston Lagaffe ou Lucky Luke ? Ou encore Calimero (qui est avant tout un personnage de dessin animé et non pas de bande dessinée) ?

Je ne sais pas, elle aurait pu se demander si elle allait être plus Spiegelman ou Joe Sacco ? Plus Quai d'Orsay ou Cher pays de notre enfance ? Plus Satrapi ou Davodeau ? Plus Christin en Bilal ou Riad Sattouf ? Ou Guy Delisle ? Ou Marion Malle ? ou Julie Delporte ? ou Pénélope Bagieu ? ou Catel Muller ?

Enfin, bref, la liste est trop longue si on s'intéresse à la politique et au féminisme. Sinon, on peut utiliser des héros nés en 1946 (Lucky Luke), 1957 (Gaston Lagaffe) ou 1962 (Calimero). Il est vrai que la bande dessinée n'a que très peu évolué depuis les cinquante dernières années.

Sinon, le plus inquiétant dans cet article ne serait-il pas cette phrase  : «...je sortirai mon calepin pour dessiner des bonshommes allumettes.» Une prochaine bande dessinée pour Sophie Durocher ?

Valérie Plante et Delphie Côté-Lacroix. Simone Simoneau. Chronique d'une femme en politique. XYZ, 2020.



L'article de Sophie Durocher.

lundi 17 août 2020

Une bande dessinée oubapienne déposée dans un doctorat

 Christian-Marie Pons qui a passé sa carrière de professeur à l'Université de Sherbrooke a complété son doctorat à l'Université de Montréal en études françaises en 1986.


Sa thèse s'intitule : Évolution d'une figuration narrative : la bande dessinée.


Théorique, ce travail est aussi pratique. Nous y retrouvons par exemple une curieuse petite bande dessinée, analysée dans le texte et déposée en annexe.


Le sens et les images se créent en tournant les pages qui sont toutes de grandeurs différentes, la page tournée venant s'intégrer dans une partie du dessin précédent.


J'en ai tourné un petit vidéo pour en donner un aperçu. Cela fait 34 ans qu'elle dort dans les rayons de la bibliothèque de l'Université de Montréal.





mercredi 12 août 2020

Maigret au Québec


 

 

Je savais que Simenon avait vécu au Québec après la Seconde Guerre mondiale et qu’il avait épousé une canadienne-française, Denise Ouimet, mais j’ignorais que deux de ses livres avaient été publiés dans la belle province.

 

Maigret chez le ministre terminé en août 1954 au Connecticut a d’abord été publié à Montréal en novembre 1954 avant de rejoindre les autres ouvrages de la série aux Presses de la cité en 1955. Imprimé sur les presses de Thérien frères limitée, il est paru au Cercle du roman policier

 

Cet éditeur aurait publié une trentaine d’ouvrages, tous étrangers, et un roman québécois : L’Assassin de l’hôpital de Bertrand Vac (Aimé Pelletier) en 1956.

 

En 1969, Simenon va aussi publier à Montréal Il y a encore des noisetiers au Cercle du livre de France (Pierre Tisseyre).

 

Ce dernier livre n’étant pas un Maigret, nous pouvons en conclure que le seul Maigret publié au Québec met en scène une histoire de corruption dans le domaine de la construction, cinquante-sept ans avant le début de la Commission Charbonneau ;-)



 

Merci à Norbert Spenher pour la confirmation des informations. Vous pouvez aussi consulter son article sur le roman policier québécois : Spehner, N. (2006). Splendeurs et misères : le cas du roman policier québécois. Québec français, (141), 32–34.



 

 

Ps. : Sur sa page Wikipédia, on prête ces paroles à Simenon pour expliquer son bonheur de vivre en Amérique : «Je suis bien en Amérique, parce que là-bas il n’y a pas de cafés littéraires où des intellectuels racontent les romans qu’ils n’écriront jamais.»

 

vendredi 7 août 2020

La première race au monde

 

 

Cette case provient d’une planche en 12 cases racontant l’histoire de Monseigneur Langevin, l’archevêque patriote qui a vécu de 1855 à 1915.

 

Le scénario est du R. P. Rod. Villeneuve qui deviendra Cardinal en 1933 et les dessins sont de James McIsaac.

 

Cette histoire a été publiée autour de 1920 par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et fait partie de la série des Contes historiques.

 

Le texte sous cette septième case se lit ainsi :

 

Un jour, dans une école il demande à l’un des garçonnets :

 

De quelle race es-tu mon enfant ?

 

Canadien-français, Répond timidement l’écolier.

 

Non, pas comme ça, mon petit ! Quand on appartient à la première race du monde, on doit être fier !

 

Droit, la main au front, dis à pleine voix : Canadien français, Mgr.

 

Et vous tous, mes enfants, de quelle race êtes-vous ?

 

Canadiens français ! s’écrie fortement toute la classe.

 

Dans mon cours d’histoire de la bande dessinée, j’utilise cette case pour faire réfléchir les étudiants à l’importance du contexte de publication et de réalisation ainsi qu’à la nécessité de replacer tout texte et tout livre à l’intérieur du discours social de l’époque qui l’a vu naître.

 

Il y a deux ou trois ans, lors d’un cours, alors que je lis ce texte et que je m’emporte un peu en personnifiant Monseigneur Langevin, j’aperçois en haut de l’amphithéâtre dans l’embrasure de la porte, un étudiant, noir, qui me regarde bouche bée. Je vois son regard apeuré quand je demande à toute la classe : Et vous tous, mes enfants, de quelle race êtes-vous ?

 

Je n’ai pas eu le temps de poursuivre qu’il avait disparu.

 

J’ai continué mon cours, convaincu que la police allait débarquer avant la fin. J’imaginais cet étudiant allant leur dire qu’un groupe de suprémacistes blancs se réunissait à l’université. J’aurais aimé qu’il revienne afin de pouvoir expliquer que ce que je disais relevait de la citation.

 

Mais il n’est jamais revenu. Ni la police, ni la direction.

 

Et j’ai pu finir mon cours.

 

J’ai pensé à cela aujourd’hui alors que j’apprends qu’une pétition qui aurait été signée par 200 étudiants circule en ce moment, en ligne.  Les étudiants reprochent à une professeure de l’Université Concordia d’avoir utilisé le mot «nègre» dans sa classe. En fait, elle citait le titre de l’ouvrage de Pierre Vallières, Nègres blancs d’Amérique. Cela les aurait mis mal à l’aise.

 

On vit une époque formidable.



Je ne possède qu'une copie en noir et blanc de cette histoire. Cette planche a été trouvée sur un site de généalogie : https://obsessedwithmypast.wordpress.com/2018/02/22/monseigneur-langevin-larcheve%CC%82que-patriote-1855-1915/


Pour plus d'informations sur les Contes historiques de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal  :

Lemay, Sylvain. «L'influence des livres ou l'appel de la race. L'exemple des Contes historiques de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (1919-1925). Formule, #1. Montréal. Mécanique générale. 2007, p. 80-94.