Citations

«Il faut toujours faire confiance aux scénaristes qui lisent.» Alessandro Baricco. Une certaine vision du monde.

vendredi 30 avril 2010

Des premières lignes en Outaouais

Dans son dernier numéro (le 157), la revue Québec français publie une jolie critique sur le livre La machine du Bonhomme Sept-heures, un collectif de bande dessinée publié aux éditions Premières lignes. L’auteur a aimé le livre et le fait savoir : «Le résultat est splendide. Ce livre, en tant qu’objet, est une œuvre d’art…».

C’est la première fois qu’un média papier »national» critique une publication de cette maison d’édition basée en Outaouais. Une seule exception : un entrefilet dans Le Devoir en 2008 qui relatait, en 120 mots, la participation de 2 auteurs de la maison d’édition à un festival de bande dessinée à Helsinski en Finlande.
La réception critique de Premières ligne est florissante dans l’Outaouais. Nombre d’articles dans Le Droit, Voir Outaouais, les journaux régionaux, Radio-Canada Outaouais, Canal vox, etc. Quand Premières lignes fait quelque chose, tout le monde en parle, en Outaouais du moins. Mais ailleurs ?

Petit rappel historique
Premières lignes est né lors de la première année d’existence du programme en bande dessinée à l’École multidisciplinaire de l’image (ÉMI) de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) en 1999. Leur première publication, Le Scribe, paraissait à la fin de cette année scolaire, en avril 2000, il y a donc exactement 10 ans. Puis, à raison d’un numéro par session (entre 150 et 200 pages), les 6 premiers étudiants originaux de ce projet ont animé les murs de l’ÉMI : Pierre Savard, Ronan Bonnette, Jérôme Mercier, Nicholas Lescharbeau, Victor Brideau et Lawrence Gagnon ont publié sept numéro de cette revue. La première réunion officielle de ce qui allait devenir Premières lignes a eu lieu en septembre 2001 alors que les étudiants de la première cohorte en bande dessinée entamaient leur dernière année. Il fallait prévoir l’après université. À l’époque, le projet s’intitulait Tryptique et regroupait une maison d’édition, un studio d’auteurs et une librairie spécialisée en bande dessinée. Très rapidement, d’autres étudiants ont rejoint le premier groupe pour créer une deuxième phase à Premières lignes qui allait prendre ce nom officiellement en 2003. Frédéric Lavergne, André Saint-Georges, Yan Mongrain et Martin Jalbert se sont également investis dans le projet. Ce fut l’époque des premiers albums : S.A.I.D. de Pierre Savard et Victor Brideau; Voyage cent histoires de Jérôme Mercier; Imaximu de Yan Mongrain et Le fond d’André Saint-Georges. La maison d’édition était née, le studio également. On attend encore la librairie.

Dix années d’existence, dix années de bons, et de moins bons coups. Des livres, des revues, des ateliers, des lancements, des expositions, des soirées festives, des voyages, et ça continue. Mais la qualité de leur travail sera-t-elle enfin reconnue à l’extérieur des frontières de la région ? Aujourd’hui, dans sa troisième phase, dirais-je, le studio compte 25 membres et a publié plus d’une trentaine de titres. Le studio Premières lignes a été récompensé et nommé à plusieurs reprises aux Culturiades (organisées par la Fondationpour les arts, les lettres et la culture en Outaouais) et a été nommé aux Shuster awards de Toronto. Mais dans le reste de la province, silence radio.

Tout cela me rappelle un éditorial que je reproduis ici :

«Trop longtemps, je n'ai pas entendu parler de la Pulpe, ou bien, c'était pour me dire que nous ne savions pas dessiner, écrire, que nous étions péquiste, anti-franco, médiocre, inconstant, pas de Montréal, «c'est bien pour l'Outaouais», et patati, patata. Nous avons vécu dans une anonymité presque gênante, tellement on oubliait de nous mentionner quand on parlait de b-d au Québec. Je crois que ça nous a fait du bien. Nous nous sommes préoccupés à faire une revue que tout le monde aimerait. Je suis tanné. Maintenant, nous allons faire une revue que nous allons aimer. »

C’était dans le sixième numéro de la revue La Pulpe, une revue de bande dessinée publiée dans l’Outaouais entre 1971 et 1975. Une revue qui a connu 11 livraisons, ce qui en fait une des revues de bandes dessinées québécoise ayant connu la plus grande longévité (de mémoire, avec Bambou et Titanic, notamment). Comme quoi, les choses n’ont pas l’air de changer.

Pour La Pulpe, il leur faudra attendre leur numéro 9 pour recevoir des échos de la métropole. C’était dans le numéro 47 de Mainmise en 1974 :

«Un énorme coup de chapeau, messieurs de La Pulpe. Ici, à Mainmise, on sait tous ce que ça représente de travail, d’efforts, de café, de sueurs, de down, de refus de compromissions tentantes et de sagesse orientale face à la montée du prix du papier. On connaît aussi la joie de tenir en main le petit dernier, et la jouissance avide de sa lecture.
Vous êtes la dernière revue de bandes dessinées à survivre, et bien évidemment la meilleure. C’est pas un gag, mais simplement une façon elliptique d’exprimer l’évidence : c’est votre qualité qui vous a permis de survivre. Qualité de modestie (voir l’évolution des numéros), d’honnêteté envers le lecteur, et de gentille détermination. Je n’ai pas toujours aimé toutes vos bandes, et je suis sûr que vous êtes dans le même cas. Mais je dois dire que le numéro neuf (annoncé comme ça, en l’air) m’a fait flipper ben gros. Une marée de reconnaissance incandescente m’a pogné les tripes, et, les yeux humides, je vous ai secrètement remercié de m’offrir une nourriture aussi excitante. J’étais vraiment fatigué de ne connaître la bande dessinée que par les études anthropologiques de l’université de Montréal (ou autres…) et les vertueuses tentatives d’amateurs combatifs.
Continuez de nous étonner. On ne s’en lasse pas.»

La Pulpe cessait d’exister l’année suivante. L’avenir chez Premières lignes s’annonce moins sombre. Beaucoup de projets en gestation : un nouveau contrat de distribution (semble-t-il), un nouveau Scribe, une exposition, des projets collectifs et des livres d’auteurs. Espérons que nous entendrons parler à une plus grande échelle et qu’ils seront enfin reconnus pour ce qu’ils sont : un joueur majeur dans le paysage de la bande dessinée québécoise.

Je terminerai en citant les paroles du groupe britannique Coldplay :
You might be a big fish

In a little pond

Doesn't mean you've won

(Chanson Lost)

Je leur souhaite de naviguer en de multiples aquariums.

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