Citations

«Il faut toujours faire confiance aux scénaristes qui lisent.» Alessandro Baricco. Une certaine vision du monde.

lundi 17 janvier 2011

Marc-Oliver Lavertu (1983-2011)

Marc-Olivier Lavertu était un étudiant de troisième année en bande dessinée. Lundi dernier, il a entamé sa dernière session avec le cours de synthèse, ce cours où les étudiants réalisent leur projet de fin d’étude.

Vendredi matin, nous avions rendez-vous pour retravailler son scénario.

Il ne s’est jamais présenté.

Pour une raison que j’ignore, son cœur a soudainement cessé de battre jeudi soir. Il avait 27 ans. Il s’est effondré et ne s’est jamais relevé. Les médecins seront sûrement en mesure de mettre des mots sur ce qui est arrivé. Mais cela n’expliquera rien.

J’ai eu la chance de côtoyer MarcO ces trois dernières années, et de ce que j’en connais, je suis convaincu qu’il n’a jamais eu l’intention de faire de la peine à qui que ce soit. Alors quoi ?

La leçon est dure.

Dans une salle de classe, un professeur fait face à toute sorte de visages : des ébahis, des inquiets, des suffisants, des assoiffés de connaissance, etc. Lorsque j’enseigne devant un grand groupe, j’ai l’habitude de chercher, dès le début de la session, des visages amis. Une tête sympathique doublée d’une intelligence vive. Le genre de personne que l’on peut regarder de temps en temps durant le cours afin d’aller chercher un petit regain d’énergie, un petit coup de confiance. Un sourire après un long exposé qui nous fait comprendre que l’on a bien réussi cette partie du cours. Ou bien un regard interrogateur qui nous oblige à réattaquer la matière sous un autre angle.

Marc-Olivier Lavertu était un de ceux-là.

Je suis heureux de l’avoir eu dans mon cours d’Histoire de la bande dessinée à la dernière session. Ce sera le seul cours que je lui aurai enseigné.

Mais j’avais souvent croisé Marc-Olivier dans les corridors de l’École ces deux dernières années. Il n’est pas passé inaperçu à l’ÉMI. C’est lui qui avait organisé les 24 heures BD de l’année dernière à l’Université. Il avait passé une session à Bruxelles dans le cadre de l’échange que l’on a avec l’Institut St-Luc de Bruxelles. Il a publié dans le C9 et dans le dernier Cyclope. Il était membre du Studio premières lignes avant même d’avoir terminé ses études. Et cette année, il faisait partie du Comité du Prix des étudiants. Tout cela m’avait permis d’être souvent en contact avec lui. Et j’appréciais ces rencontres. Il y avait une chaleur réconfortante dans sa voix. Il était un étudiant, mais j’étais convaincu que nos discussions allaient se poursuivre après son départ de l’ÉMI et qu’une amitié allait émaner de tout cela.

La vie ne nous en a pas laissé le temps. Et j’en suis triste aujourd’hui.

En tant que professeur, je sais très bien qu’il faut souvent répéter la même chose pour que la matière soit comprise et assimilée. Ces trois mots, «Marc-Oliver est décédé», je les entends constamment dans ma tête depuis ce jour. Dès que je ne pense à rien, je me surprends à me répéter et à me répéter ces trois mêmes mots. Comme si je ne comprenais pas. Comme si cela ne correspondait à aucune réalité. Jamais le signifiant et le signifié ne m’ont paru si éloignés. Et je crois qu’il va falloir me les répéter encore longtemps avant que j’accepte la triste réalité de ce qu’ils veulent dire.

Pour cette leçon, je suis vraiment très mauvais élève.

Merci pour tout ce que tu nous laisses, Marc-Olivier. Nous saurons nous souvenir de toi.


Marc Tessier a été très proche de MarcO depuis son arrivée à l’université. Je vous invite à lire son très touchant texte sur sa dernière rencontre avec lui. Le blogue de Marc.

Les blogues de Marco :

Son blogue
Son blogue à Bruxelles
Son blogue qu’il venait tout juste de créer pour le cours de Synthèse

4 commentaires:

  1. Que dire de mieux ou de plus touchant? Merci d'écrire ce qu'on ressent ici à l'école.

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  2. Bonjour Sylvain.
    Ca m'a pris du temps avant de mettre un commentaire ici, sur ton blog, en lisant ce message.
    Je ne connaissais pas Marc Olivier, mais quand j'ai lu ce texte, j'ai pensé " et si une telle chose était arrivée dans notre classe ?"...
    Comme je l'ai dis chez Real, je ne peux même pas concevoir de perdre un membre de notre petite "famille", alors je comprends, je crois, votre peine, et j'imagine l'atmosphère qui a du -qui doit- régner dans les couloirs de l'EMI... Et je voulais vous dire à tous que je suis avec vous, même si cela ne représente peut-être pas grand chose pour ceux que je ne connais pas.
    *calin*
    Cécilia

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  3. Très touchant. Ton texte où l'émotion transpire sobrement a arrêté le temps.

    Il n'y a justement plus de temps pour ce jeune homme je le salue dans son présent qui dure l'éternité. Qu'il vive dans les yeux de plusieurs, en modèle d'engagement.

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  4. Comforting to read these comments. I was in class with Olivier — that's how we knew him — when the incident occurred. I wish I had the chance to know him better, he seemed like such a vibrant soul, he could do capoeira moves with such fantastic energy, and had a smile, well, I don't have to tell you about that.
    Peace, Dayanti

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