Citations

«Il faut toujours faire confiance aux scénaristes qui lisent.» Alessandro Baricco. Une certaine vision du monde.

mercredi 25 avril 2012

Je sais aussi être égoïste



 Ce que je fais depuis les dernières semaines, je le fais par conviction et par solidarité envers tous les étudiants et étudiantes du Québec en grève. Mais je le fais également par égoïsme.

Je crains sincèrement les impacts d’une hausse des frais de scolarité sur le programme en bande dessinée que j’ai aidé, avec d’autres, à mettre au monde en 1999. Je suis très fier de ce que nous avons réalisé à l’ÉMI avec ce programme. Il y a 10 jours (une éternité me semble-t-il) j’étais au Festival de bande dessinée de Québec. J’en ai retiré une très grande fierté de voir le nombre très élevé de diplômés et diplômées de l’ÉMI qui ont fait leur place ces dernières années dans le milieu. Cela justifie aisément, selon moi, le rôle et la qualité de notre formation.

Mais qu’arrivera-t-il après une hausse aussi drastique des frais de scolarité sur notre capacité à attirer des étudiants et des étudiantes ? Le calcul est simple. Plus les frais sont élevés, plus l’endettement étudiant sera grand. Or, les futurs candidats risquent de choisir des formations universitaires qui vont leur garantir des revenus plus importants une fois leurs études complétées. Il me semble que des formations en bande dessinée, en arts visuels, en philosophie, en études littéraires etc. vont écoper suite à cette décision gouvernementale.

De plus, comme nous sommes la seule université à offrir le programme en bande dessinée, la majorité de nos étudiants et étudiantes proviennent des quatre coins de la province. Souvent, ils doivent s’exiler pour suivre leur formation. Ils ne peuvent habiter chez leurs parents et les frais encourus sont plus grands. C’est ce que j’ai entendu à plusieurs reprises à Québec.

Tout cela j’en ai toujours été convaincu. Et j’en ai eu la confirmation dernièrement. J’ai rencontré un de mes anciens étudiants durant la grève, Marc Michaud. Marc est originaire de l’Alberta et a suivi la première année du programme il y a de cela plusieurs années. Mais il a abandonnée après cette première année. C’était un étudiant plein de potentiel. Ceux qui suivent le programme depuis ses débuts se remémoreront peut-être le fanzine Nom d’un chien qu’il avait créé avec son frère Daniel et Andrée-Julie Tardif. Ce fanzine avait retenu l’attention de différents professionnels du milieu de par ses qualités graphiques et narratives, surtout qu’il était l’œuvre d’étudiants de première année.

Mais Marc a abandonné ses études. Je continue de le voir à l’occasion. Ne pouvant être son professeur, je lui sers de «coach» dans la mesure de mes moyens. J’étais chez lui il y a 2 semaines pour lui remettre une lettre de recommandation pour une demande de bourse. Nous avons discuté de la grève et des frais de scolarité. Probablement que j’avais mon carré rouge sur moi. Il m’a avoué que sa décision d’interrompre ses études émanait de la trop grosse charge financière qui lui était demandée. Marc devait, à l’époque, payer les frais de scolarité albertains. Et qu’à près de 4 000 dollars par année, cela représentait un coût trop grand surtout en regard des possibilités d’emplois à la sortie de l’université. Aujourd’hui, maintenant qu’il habite au Québec, il pourrait revenir à l’université. Mais avec une famille, cela complique les choses. Et la hausse prévue va nous rapprocher dangereusement des frais demandés en Alberta.

Marc continue de faire de la bande dessinée. Ça ne prend pas obligatoirement un diplôme pour en faire. Mais j’ose espérer que la hausse des frais de scolarité ne nous fera pas perdre trop d’étudiants et d’étudiantes comme Marc qui désirent faire de la bande dessinée et suivre une formation universitaire de qualité.

Je continuerai à me battre parce que l’éducation c’est un droit et non un privilège. Je continuerai à me battre pour moi. Pour mes étudiants et étudiantes en bande dessinée. Pour tous les étudiants et étudiantes. 

1 commentaire:

  1. Je vous lis avec bonheur. Moi aussi, je mise sur notre jeunesse et ne souhaite rien moins qu'une gratuité totale de la maternelle à l'université. Ça ne sera pas pour tout de suite mais ça viendra. En 2012, les étudiants avec l'aide d'un gouvernement obtus auront mis la table pour des changements notables,qui viendront à leur heure. En attendant, leur solidarité m'impressionne, celle de beaucoup de profs aussi. Ajoutons à cela, les appuis citoyens et nous pouvons espérer pour l'avenir.
    Je veux pour mes petits-enfants ce que je n'ai pu avoir en mon temps faute de fric.

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