Il y
a maintenant vingt ans que je m’intéresse, de façon académique, à la
bande dessinée québécoise puisque c’est en 1993 que je proposai à André
Carpentier, de l’UQÀM, d’écrire mon
mémoire de maitrise sur l’œuvre de Réal Godbout et Pierre Fournier.
À l’époque, il était difficile de trouver
de la bande dessinée québécoise en librairie. Quelques nouveautés, parfois, et
jamais de fonds. Je passai donc de longues journées à la Bibliothèque nationale
du Québec, sur la rue St-Denis pour les monographies et sur la rue Mont-Royal
pour les périodiques. Mais tout n’était pas disponible et ce n’était pas
toujours bien indiqué ce qui relève de la bande dessinée et du livre illustré.
Durant ces années, je me mis également à écumer les librairies de livres usagés
et, au fil des années, je commençai à monter une collection intéressante.
*
Anecdote : À la Bibliothèque
nationale, il fallait remplir une petite fiche et un employé allait nous
chercher l’ouvrage demandé. Un jour, autour de 1995, je crois, à l’édifice
Aegeidus Fauteux je demandai la revue «Ma®de in Kébec», revue de bande dessinée
québécoise datant de 1973. La bibliothécaire revint en me disant que cette
revue était présentement empruntée. J’étais étonné que quelqu’un d’autre que
moi s’intéresse à ce titre. Je regardai dans la salle et je vis un homme,
sensiblement du même âge que moi, avec tous les numéros de la revue devant lui.
J’allai le voir.
-Bonjour.
Vous avez emprunté la revue que je voulais consulter. Je m’appelle Sylvain
Lemay et je fais une maitrise en littérature sur la bande dessinée québécoise.
-Enchanté.
Je m’appelle Michel Viau et je fais de la recherche pour écrire un répertoire
des publications de bande dessinée au Québec.
*
En 1997, je réussis à convaincre les deux
professeurs du GÉRI (Groupe de recherche pour l’Étude des Récits en Images)
Yves Lacroix et Philippe Sohet de l’UQÀM de créer un Centre de documentation
sur la bande dessinée québécoise à l’intérieur du local du groupe de recherche.
Yves Lacroix, André Carpentier, Jacques Samson et Bernard Dubois que j’avais
contactés, ont tous donné des livres pour compléter la collection. Mais en
1999, je quittai pour Gatineau. Le Centre a survécu quelques années, notamment
grâce à une étudiante du groupe, Annabelle Martin. Mais Annabelle a terminé ses
études, Yves Lacroix a pris sa retraite et les activités du groupe de recherche
se sont raréfiées.
J’ai donc ramené tous ces livres à Gatineau
et je les ai entreposés dans mon bureau. J’étais donc seul à pouvoir les
consulter. J’en prêtais souvent à des étudiants, mais la majorité de ces
bouquins s’empilaient sur les étagères de mes bibliothèques ou dans des boîtes.
Puis, en 2008, nous avons inauguré en grande
pompe l’acquisition par la bibliothèque de l’intégrale du journal de «Spirou»,
de 1938 à aujourd’hui. J’en étais, évidemment, très fier. Mais cela restait un
patrimoine belge et non québécois. Quelques temps après, je contactai donc la
bibliothèque pour lui offrir ma collection de bandes dessinées québécoises.
Surtout que j’avais reçu des dons dans le cadre du Centre de documentation,
dons qui avaient été faits pour que ces livres puissent être consultés, ce qui
n’était pas le cas avec ces boîtes dans mon bureau.
Cinq ans plus tard (et plusieurs
bibliothécaires et directeurs différents) ce projet est finalement une réalité,
grâce notamment à Emanuela Chiriac, la bibliothécaire du secteur des arts qui a
cru en ce projet depuis son arrivée et qui le porte à bout de bras depuis
plusieurs mois et Daniel Godon, l’actuel directeur de la bibliothèque de
l’université.
L’inauguration du 30 novembre prochain
n’est qu’une étape dans la constitution de cette bédéthèque. Toutes les revues
et les albums québécois que possédait déjà la bibliothèque ont été rassemblés
en un endroit. En ce moment, environ la moitié du don a été traité (c’est un
processus très long) et plusieurs documents ont été ou seront restaurés. La
bibliothèque va continuer d’acheter des nouveautés et compléter le plus
possible les ouvrages marquants qui nous sont manquants. La bibliothèque fera aussi
affaire avec la Fondation de l’Uqo pour l’achat ou la restauration D’ouvrages
plus rares et plus chers.
On continuera donc d’y travailler, mais les
étudiants et les chercheurs universitaires ont, dès maintenant une bonne partie
de la bande dessinée québécoise à leur disposition.
Et pour moi c’est la concrétisation d’un
projet que je caresse depuis deux décennies. Comme quoi, il faut être patient
dans la vie.
Au plaisir de vous croiser lors de
l’inauguration le 30 novembre prochain. Cet évènement s’inscrit dans le cadre
des Rendez-vous de la bande dessinée de Gatineau. À 16h, il y aura une table
ronde sympathique avec Jacques Samson et Michel Viau et, à 17, un vin d’honneur
sera servi.
L’anecdote de la rencontre fortuite avec Michel Viau est succulente. Les chances d’une telle coïncidence tendent vers l’infinimum.
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