J’ai
rencontré Yves lors de ma première session en études littéraires à l’UQÀM à l’automne
1989. Il donnait un cours sur la bande dessinée. J’en avait déjà suivi au cégep
André-Grasset durant lequel nous avions organisé un colloque sur le sujet, colloque
qui m’a permis de rencontrer Jacques Samson qui allait devenir un ami. Le cours
du cégep était très général et très intéressant. Mais le cours de Yves, donné
avec passion et grande érudition, m’a ouvert les portes et, pour la première
fois, j’entrevoyais avec optimisme la place de la bande dessinée à l’intérieur
d’un cursus universitaire.
J’ai côtoyé
Yves tout le long de mes études universitaires. À la maîtrise, j’ai rejoins son
groupe de recherche qu’il animait avec Philippe Sohet. Le SKBLLLZ ! Le groupe
se nommait Groupe pour l’étude des récits
en images (GÉRI). Or Géri était le pseudonyme de Henri Gihon, l’auteur d’une
bande dessinée publiée dans le journal Tintin
à la fin des années 1960, une bande qui était titrée Skblllz.
Jouant avec
les acronymes, parfois lourds de certains groupes de recherche, Yves et Philippe
avait surnommé le leur, par dérision, Skblllz.
J’ai donc
eu la chance de faire mes études tout en passant à travers les œuvres,
notamment, de Bourgeon, Montellier et Andreas. La lecture qu’en proposait Yves
était d’une grande richesse et d’une grande originalité. Et, surtout, tout cela était fait avec une rigueur
extrême.
À l’automne
1996, j’ai abandonné mes études doctorales. C’est Yves qui est venu me
rechercher l’année suivante parce qu’il avait obtenu une subvention du CRSH
pour le Skblllz. Sans son appel, je ne serais pas où je suis aujourd’hui.
Un des
contrats qu’il m offert, en plus des corrections pour ses cours au bacc, aura
été de transcrire ses longues entrevues avec le cinéaste Pierre Perreault.
Parce que Yves ne s’intéressait pas qu’à la bande dessinée. Le livre n’a
malheureusement pas vu le jour. Mais je le remercie pour la chance qu’il m’a
donnée de passer autant de temps en compagnie de Perreault.
Yves n’était
pas un spécialiste de la bande dessinée québécoise, mais il a accueilli avec
enthousiasme mon projet de création d’un centre de documentation en bande
dessinée québécoise à l’Uqam à la fin des années 1990. Ce Centre est devenu la
Bédéthèque québécoise à la bibliothèque de l’Uqo. Et existe toujours.
Yves a été un
des conseillers pour la mise sur pieds du programme en bande dessinée à l’Uqo.
J’ai
toujours gardé contact avec lui après mon déménagement à Gatineau. Il était
présent à l’ouverture officielle du programme et il a participé au colloque que
j’ai organisé en 2000. Il est également venu nous rendre visite quelques années
plus tard lorsqu’il a accompagné Chantal Montellier.
J’ai eu la
chance de publier Yves dans l’ouvrage collectif que j’ai dirigé aux 400 coups
en 2005, Regards sur la bande dessinée.
Son texte, Pour une définition minimale
du médium est, de loin, celui qui est le plus cité de ce livre.
Yves est
également le co-auteur, avec Philippe Sohet, d’un excellent ouvrage sur l’auteur
Andreas, L’ambition narrative chez
XYZ.
Longueuil
et Gatineau étant quelque peu éloignés, nos dernières rencontres se sont déroulées
par la voie téléphonique. La dernière fois, c’était l’été dernier. Après la
sortie de mon livre, Du Chiendent dans le
Printemps, il m’avait appelé pour me féliciter et me remercier pour la
dédicace que je lui avais faite. Nous avons parlé de bande dessinée, évidemment,
de Schultz entre autres, mais il m’a également longuement entretenu de ses
dernières promenades. Parce que Yves était un grand marcheur. On a raccroché en
promettant de se revoir.
Cette
rencontre n’aura pas lieu.
Dans mon
message facebook annonçant son décès, j’ai parlé de lui comme d’un père. C’est
vrai. L’UQÀM m’a donné plusieurs pères symboliques. Jacques Samson et André
Carpentier en font partie. Mais comme Yves a également enseigné à Jacques et
André, il serait peut-être plus juste de parler de grand-père symbolique. Même
si j’ai le même âge que ses enfants.
J’en
profite pour offrir mes condoléances et mes sympathies à toute sa famille ainsi
qu’à la grande famille des études littéraires de l’UQÀM.
Yves ne
sera pas oublié. D’après les messages que je vois passer sur les réseaux
sociaux, son enseignement a planté énormément de germes chez beaucoup de ses
anciens étudiants. Tout cela lui survivra.
Au revoir
Yves. Et merci pour tout.
Yves Lacroix et Jacques Samson au lancement du programme en bande dessinée de l'UQO, 1999.
Brève apparition de Yves Lacroix (et Jacques Samson) en tant que personnage de bande dessinée. Jean-Christophe Menu, Livret de phamille, 1995.
Merci M. Lemay pour cette hommage. Ayant moi même déjà suivi son cours et sa carrière il mérite amplement vos louanges. Mais je dois avouer que c'est le père qui me manque le plus. Encore merci pour cette mémoire que vous lui offrez. Stéphanie Lacroix
RépondreSupprimerC'est la moindre des choses, Stéphanie. Yves a été une personne très importante dans mon cheminement. Je suis très choyé d'avoir pu croiser sa route. De ce temps-ci, il est souvent avec moi puisque je suis en train de lire Adrien de peine et misère. Sylvain
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