Le retour du professeur de la Sorbonne
Monsieur Harouel n’est pas entièrement bédéphobe (ou romangraphiquophobe) puisqu’il reconnaît que «Certes, la bande dessinée offre bien des exemples de créations remarquables» (page 123). Il précise plus loin que «[c]elui qui aime et connaît l’Antiquité appréciera à leur juste valeur – tout en notant au passage anachronismes et télescopages chronologiques les beaux dessins de villes, de maisons, de paysages antiques de Jacques Martin [auteur de la série Alix]. De même qu’il goûtera la drôlerie des citations latines mises dans la bouche des personnages d’Astérix» (page 125).
Mais qu’est-ce qui fait défaut à la bande dessinée alors ? Sa valeur culturelle. Il avoue que «…ce n’est ni leur charme, ni leur capacité de séduction, ni leur drôlerie qui se trouvent en cause ici, mais leur valeur de culture. Or celle-ci est faible» (page 123).
Effectivement, la valeur culturelle de la bande dessinée est toujours sujet à débat. Thierry Groensteen ne vient-il pas de publier un livre intitulé La bande dessinée, Objet culturel non identifié ?
Ainsi, nous pouvons lire sous la plume du professeur Harouel que «…ce n’est pas un hasard si le grand essor des bandes dessinées, des comics, qui a commencé dans les journaux américains de l’extrême fin du XIXe siècle, correspondait au désir de toucher un public de nouveaux immigrants à la mentalité très fruste et au très bas niveau d’instruction» (pages 123-124).
Qu’en est-il aujourd’hui. Examinons un texte de Xavier Guilbert publié dans Le Monde diplomatique de janvier dernier (journal dont la valeur culturelle ne devrait pas être mise en doute). La bande dessinée, un art populaire ? se demande l’auteur. Questionnant les idées reçues, Xavier Guilbert écrit :
«Que la BD touche les couches populaires semble en revanche un inébranlable cliché : pourtant, là encore, le mythe vacille. Elle a deux fois plus de succès chez les cadres et professions intellectuelles supérieures (45 % de lecteurs) que chez les employés (22 %) ou les ouvriers (21 %). Et plus on est diplômé, plus on prise ces ouvrages : on compte plus d’un adepte sur deux parmi les diplômés d’études supérieures (bac + 4 ou plus), alors qu’ils ne représentent qu’un individu sur trois chez les seuls titulaires du bac, et tout juste 27 % de lecteurs parmi les détenteurs d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) ou d’un brevet d’études professionnelles (BEP). Certains auteurs ont beau répéter, tel Régis Loisel, que « la BD, ce n’est pas fait pour se prendre la tête !» (Cité par Yves-Marie Labbé, « Loisel, Roi-Soleil d’Angoulême », Le Monde, 23 janvier 2004), elle n’en séduit pas moins les têtes bien pleines. Contrairement aux idées reçues, plus on lit de livres et plus on est attiré par la bande dessinée.»
L’article est en ligne ici.
Mais cela ne contredit pas les propos du professeur Harouel puisqu’il précise dans son texte sur la bande dessinée que «[c]omme au cinéma ou à la télévision, l’individu cultivé peut trouver matière à réflexion, et donc à culture, dans la bande dessinée, du fait de la culture qu’il possède et qu’il introduit dans sa «lecture». Mais il ne s’en offre pas moins le luxe d’une régression mentale : son gain de culture serait incomparablement supérieur pas la lecture ou la relecture d’une grande œuvre» (page 125).
«Semi-illettrés», «aucun effort de l’esprit», «solution de débilité», «régression mentale» : je vais finir par croire qu’il méprise les lecteurs de bande dessinée.
Prochain épisode : Qu’est-ce que la culture selon monsieur Harouel.
À suivre, comme ils disaient dans les petits comiques que je lisais dans mon enfance...
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