Comme
la Cour supérieure (district de Hull) nous oblige à donner nos cours à
distance, je me prête à l’exercice. Voici donc mon cours pour cette semaine.
Comme
nous avons étudié la construction du scénario dans la première partie du cours,
nous allons maintenant examiner un texte de Michel Chion publié dans son livre Écrire un scénario et intitulé : «Les
fautes de scénario (pour mieux les commettre)».
Pour
illustrer mon propos, je vais utiliser le scénario «Des négociations pas de
classe» écrit par l’étudiante Line Beauchamp sur une idée originale du Parti
libéral du Québec.
Ce texte comprend 16 points. Nous allons les examiner un
par un. Cette matière ne sera pas à l’examen lors du retour en classe.
1. À quoi ça se voit? Comment
le lecteur comprend-t-il les motivations des personnages ? Ici, c’est très
réussi. Le lecteur comprend aisément les motivations du personnage de la
ministre par ses gestes. Même si cela peut paraître un peu gros, nul n’est dupe
du fait que le personnage de la ministre ne veut pas et n’a jamais voulu
négocier.
2. Bateau (sentiment d’avoir
été mené en). Ici la faute est grossière. Elle peut aussi se traduire par la
phrase suivante : il ne faut pas prendre ses (é)lecteurs pour des valises.
3. Bout-à-bout. «Si le film
apparaît comme une collection de scènes sans structure et sans progression,
sans lien fort de nature logique ou organique, on a le sentiment d’un
bout-à-bout. Un scénario en bout-à-bout contreviendrait donc à deux lois au
moins du scénario classique : loi d’unité, loi de progression continue.» Après
12 semaines, on ne sent pas de progression dans les actions du gouvernement. On
revient à la case départ. La progression continue, par contre, se sent bien du côté
des «méchants étudiants».
4. Coïncidence. Est-ce une
coïncidence que des rumeurs d'élections commencent à se faire entendre? Cela pourrait être
considéré comme une faute dans l’écriture du scénario.
5. Dénouement (faiblesse de).
Malheureusement, la scénariste semble tout faire ici pour éviter qu’il y ait un
quelconque dénouement. À retravailler.
6. Déviation. «La déviation, au
cours du récit, par rapport à l’idée de départ (…) peut être un défaut. Elle
est, la plupart du temps, le résultat involontaire d’une accumulation de
détails qui font perdre de vue l’enjeu, le thème principal, et qui peuvent
faire prendre à ceux-ci un sens inverse et nouveau.» Effectivement, le thème
principal, la hausse des frais de scolarité, semble avoir été perdu en cours de
route par le personnage de la ministre. Si cela est involontaire, Il faudrait
quand même parvenir à dévier dans l’autre sens.
7. Explicatif (dialogue). Cette
faute s’observe lorsque l'on sent que c’est le
scénariste et non pas le personnage qui parle. Tous les dialogues du scénario
seraient en ce sens à revoir.
8. Faux implants. Le faux
implant est l’établissement d’une chose non utilisée. Il serait bien que, si la
scénariste implante une table de négociation dans son scénario, qu’elle
l’utilise par la suite au lieu de créer un faux suspense.
9. Invraisemblance. «C’est un
vieux débat que celui sur le vrai et le vraisemblable, et Boileau le résumait
en ces termes : «Jamais au
spectateur n’offrez rien d’incroyable / Le vrai peut quelquefois n’être pas
vraisemblable.» J’ai beau observer le débat depuis les débuts, et savoir
que tout cela est vrai, il n’empêche que l’on ne peut s’empêcher de croire que
tout cela est invraisemblable. Voici la preuve que la réalité ne fait pas
toujours un bon scénario.
10.
Jeu de c... (ou intrigue idiote). «Un Idiot plot est une histoire où les personnages doivent se conduire
comme des imbéciles pour permettre à l’intrigue de se dérouler.» Je ne
m’étendrai pas sur ce point.
11.
Minceur de l’histoire. Si l’histoire est trop mince, le scénariste se
sent obligé de remplir son scénario avec des scènes qui ralentissent l’action.
Or, ce que le lecteur veut, c’est que l’histoire progresse. Il y a trop de
scènes statiques dans ce scénario.
12.
Mollesse, piétinement. «Il y a impression de mollesse, de piétinement
si tout est trop statique ; s’il n’y a pas de progression (…)». Ce point a déjà été abordé.
13.
Personnages (défauts dans l’utilisation des). Michel Chion définit ici
8 cas de défauts dans l’utilisation des personnages. Le premier nous semble
éloquent dans le cas qui nous concerne ici : «Le personnage-marionnette,
ou porte-voix, transmettant un message ou des mots d’auteurs, plutôt que doué
d’une vie propre.» Il faudrait retravailler le personnage de la ministre. Une
autre faute souvent commise, mais qui pourrait être habilement utilisée ici est
la «conversion subite : le personnage change d’attitude, de croyance, de
comportement, sans que cela ait été préparé. » Dans l’état actuel du scénario,
cette faute serait la bienvenue.
14.
Qu’est-ce qui les empêche de…Je ne citerai que Michel Chion :
«Souvent aussi, on a l’impression que le malentendu entre les héros, qui
fournit à l’intrigue son ressort principal, pourrait être facilement levé par
un petit effort de sincérité.» Un simple petit effort.
15.
Téléphoné (effet). Honnêtement, l’annulation des négociations semble
beaucoup trop téléphonée. Le lecteur s’y attend trop, dès les débuts de
l’ouverture des négociations. Le téléphone peut aussi servir à rétablir les
ponts entre les personnages.
16.
Trou. Là où on semble s’enfoncer à la lecture du scénario.
Fin du cours pour cette semaine.
Toutes les citations sont tirées du livre de Michel Chion, Écrire un scénario.
Désolée que tu sois en plein milieu de cette triste situation, Sylvain. Mais j'admet qu'à cause de ce post, il y a un peu de bière sur mon écran...
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